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Plan autisme : Marie-Arlette Carlotti tance les ARS

La ministre chargée des personnes handicapées assure le service après-vente du 3e plan autisme lancé en mai dernier. Si elle se félicite des premières mesures impulsées ici ou là, elle note également des blocages notamment au niveau des ARS. Pour garder le contact avec les réalités de terrain, elle a annoncé le lancement d'un Tour de France de l'autisme.

Pour la ministre chargée du handicap, il fallait de toute urgence reprendre la main. La diffusion mi janvier d'un reportage télévisé sur les conditions d'accueil d'enfants handicapés, la publication de tribunes incendiaires de parents d'enfants autistes risquaient, en effet, de compromettre l'élan qu'avait souhaité donner Marie-Arlette Carlotti en présentant le 2 mai dernier le 3e plan autisme. Alors elle s'est invitée ce 18 février dans le centre de ressources autisme (CRA) d'Ile-de-France en prenant beaucoup de temps pour rencontrer des familles et un peu la presse.

Les familles majoritaires dans les centres de ressources

Le choix du CRA francilien n'avait pas été fait au hasard. Existant depuis 10 ans, c'est l'un des rares à être sous statut associatif et à associer pleinement les associations de parents (qui occupent la moitié des postes au conseil d'administration). Les autres sont généralement adossés à un établissement hospitalier et n'associent pas systématiquement les usagers. La ministre a justement annoncé la publication courant mars d'un décret modifiant les conseils d'orientations des CRA. "Les familles [y] seront majoritaires", indique le dossier de presse. La ministre n'a pas caché d'ailleurs les difficultés rencontrées pour ouvrir aux usagers ces espaces essentiels pour l'information et l'orientation de familles souvent désorientées.

"Les choses ne bougent pas sur le terrain"

Les familles cachent difficilement leur impatience. "Le 3e plan autisme va dans le bon sens, reconnaît Danièle Langlois, mais les choses ne bougent absolument pas sur le terrain". Et la présidente de France Autisme de citer notamment le refus persistant de procéder à des dépistages précoces (un des axes du plan) et l'incompétence des agences régionales de santé pour définir des appels à projets respectant les nouvelles normes. Plus modérée, Christine Meignien, la nouvelle présidente de Sésame autisme, note des résistances sur le terrain. "Des formations continuent à parler de l'autisme comme d'une psychose infantile. Certains professionnels restent figés dans leurs certitudes." Et de relever également que le plan autisme a fait l'impasse sur l'accueil des adolescents autistes qui seraient tous obligés de partir vers la Belgique.

Des mesures déjà ou bientôt sur les rails

"On ne lâche rien !", a répondu en écho la ministre que d'aucuns jugent peu soutenue au sein du gouvernement sur ce dossier. Ne cachant pas son volontarisme et saluant inlassablement le rôle des associations de parents ("je n'aurai pas pu faire ce plan sans elles"), elle a indiqué que certaines grandes mesures d'un plan doté de 205,5 millions d'euros sont déjà sur les rails. C'est le cas de la formation des aidants familiaux (7 régions ont lancé des programmes d'action) et des premières places de répit, de la formation des professionnels (un millier de personnes déjà formées), de la recherche avec le lancement d'une enquête épidémiologique auprès de 600 autistes.
Pour d'autres chantiers, les choses vont être lancées très prochainement. "Pour les unités d'enseignement en maternelle, les rectorats disposent du cahier des charges. Il leur reste à trouver des locaux dans une école de l'académie (1)", souligne M.-A. Carlotti. Pour les 850 places de Sessad, les appels à projets vont être lancés.

Lever les points de blocage

Pour autant, la ministre, aiguillonnée par la libération de la parole des parents d'autistes, ne veut pas se contenter de ce premier bilan jugé plutôt positif. "Je veux lever les points de blocage existants", affirme-t-elle. Elle cite notamment la question des appels à projets. Le libellé de ceux qui ont été rédigés en 2013 pour la création de nouvelles places dans le champ de l'autisme, n'a pas toujours été très fidèle à l'esprit de la recommandation Anesm/HAS. "Une circulaire va être envoyée aux ARS pour leur rappeler les règles", indique-t-elle.

Cafouillage sur les appels à projets

En fait, les choses sont un peu complexes techniquement. Après la présentation du 3e plan autisme, les ARS ont continué à élaborer des appels à projets dans le cadre des programmes de création de places pour personnes handicapées (entre autres pour les autistes). Ces appels ne s'inscrivant pas dans le cadre du 3e plan, ils n'en ont pas respecté l'esprit. Mais sur le terrain, personne ne peut comprendre que les appels à projet s'inspirent ou non de la recommandation de la HAS suivant qu'ils s'inscrivent ou non dans le cadre du 3e plan autisme. En tout cas, la ministre pointe le manque de formation des ARS aux questions de l'autisme, ce qui est particulièrement embêtant pour des agents chargés de mettre en musique les nouvelles orientations. Des correspondants autisme devraient être formés à partir du printemps dans chaque ARS.

Et un Tour de France de l'autisme

Pour prendre la température du terrain, elle a annoncé le démarrage en 2014 d'un Tour de France de l'autisme avec une rencontre dans chaque région avec les divers intervenants. D'autre part, pour mieux suivre l'avancée de ce plan, un site internet va être lancé (2) qui, espère la ministre, sera "la référence tant pour les professionnels que pour les familles."
Marie-Arlette Carlotti sait que son plan est dans une seringue : "J'ai besoin de temps pour le déployer alors que les parents sont dans l'urgence." Son Tour de France vise sans nul doute à accélérer le déploiement du plan sur les territoires, en mettant la pression sur les ARS, mais aussi à calmer les impatiences de ceux qui sont toujours confrontés à l'absence de solution.

 

(1) Il est prévu d'ouvrir à la rentrée 2014 une unité de 7 élèves dans chaque académie, puis d'étendre progressivement ce dispositif permettant d'aller vers l'inclusion scolaire des tout jeunes enfants autistes.

 

(2) www.planautisme.fr
 

 

Noël Bouttier
Ecrit par
Noël Bouttier