A la une

Paroles d'étudiants (3) : Julien ou la passion pour les jeunes "cabossés"

Après avoir "portraité" deux EJE, direction Rouen pour une rencontre avec Julien Huet, en 2e année d'éducateur spécialisé. Pour lui, c'est évident : il travaillera avec des jeunes en déshérence, si possible à la Protection judiciaire de la jeunesse. Un métier qu'il a appris à connaître. Et pour lequel il nourrit une vraie passion, malgré (ou à cause) sa dureté.



Le rendez-vous avait failli ne pas pouvoir être honoré. Le jour où tsa avait "débarqué" à Rouen pour rencontrer Julien Huet, la capitale normande était bloquée par des barrages dressés par des gens du voyage. Taxis immobilisés, transports collectifs en partie paralysés... il ne restait que l'autostop pour rejoindre Canteleu, sur les hauteurs de Rouen, siège de l'Institut du développement social (IDS) où Julien Huet poursuit sa formation d'éducateur spécialisé. Finalement, avec une bonne heure de retard, la rencontre avait bien eu lieu.

Coup de foudre dès le 2e soir

Pour Julien aussi, la rencontre avec le métier n'a pas été un fleuve tranquille. Après le bac S, il pense devenir professeur. Jusqu'à ce qu'il discute avec un ami de son père qui travaille dans un important établissement de placement éducatif, l'Ecole des parents et éducateurs (EPE). Pour en savoir plus sur le métier, il y effectue un stage d'observation. "Dès le deuxième soir, j'ai su ce que je voulais faire. Cela m'a tout de suite plu." Julien n'est pas du genre à partir dans de grandes digressions. Les mots sont choisis avec modération. Il dit seulement pour expliquer ce coup de foudre : "C'est un travail toujours en mouvement, jamais répétitif". Et il ajoute : "L'objectif est d'apporter aux enfants un cadre qu'ils n'ont souvent jamais eu."

La barrière de l'écrit

Reste pour Julien à intégrer une école de travail social. Et là, rien n'est simple pour lui. En bon scientifique, il a plus d'aisance à manier les chiffres que les mots. Et pour l'entrée à l'IDS, comme dans toutes les écoles en travail social, le passage par l'écrit n'est pas une simple formalité. Alors, pour y arriver, Julien a bûché, a repris les bases du français, a lu de nombreux écrits, notamment des témoignages d'éducateurs, s'est exercé à réaliser des travaux écrits. Ce gros travail personnel, Julien l'a réalisé en parallèle à son boulot comme surveillant dans un établissement scolaire de Grand-Quevilly, une commune de la banlieue populaire de Rouen.

Et pour lui, la troisième fois fut la bonne ! Après deux échecs liés à ses difficultés à l'écrit, il est admis à l'IDS en 2014. Sur cette question de la barrière de l'écrit, Julien explique, dans notre vidéo, qu'il a compris, au cours de sa première année de formation, l'importance de cette compétence. "On nous demande de lire beaucoup et de produire régulièrement des écrits", explique-t-il.

Premier stage auprès d'adultes handicapés

Quand il parle de la formation, les satisfecits l'emportent largement sur les déceptions. Satisfecit d'avoir des "bons formateurs", d'avoir eu des apports intéressants sur la psychologie de l'adolescent. Le constat est aussi positif par rapport au stage qu'il a effectué en première année. "J'ai travaillé dans un foyer d'accueil médicalisé accueillant des adultes handicapés, précise-t-il. Au départ, je ne me sentais pas à l'aise car j'avais surtout l'impression d'être un animateur. Au final, j'ai trouvé que c'était finalement un stage intéressant. Je sais simplement que ce n'est pas dans ce secteur que je souhaite travailler plus tard."

"Les jeunes vous pompent tout..."

Pour son stage de deuxième année qui a démarré voici quelques semaines, il est reparti là où il avait découvert le job, à l'EPE (1). ll y est chargé de suivre des jeunes qui bénéficient d'un placement éducatif. Une mission éprouvante, mais passionnante. "Les jeunes vous pompent tout ce que vous avez. Mais le soir quand je rentre chez moi et que je m'installe devant la télé, je rigole en pensant à des scènes de la journée." Et notre étudiant de 23 ans de raconter l'anecdote la plus insolite. Un jour, il a accompagné un jeune au commissariat qui souhaitait porter plainte pour vol. Mais ce que le stagiaire ne savait pas, c'est que le vol concernait des substances illicites, du shit. Il sourit encore de l'incongruité de la situation...

Objectif PJJ

L'an prochain, pour sa dernière année, il hésite entre effectuer un stage à l'étranger, au Canada ou dans un pays anglo-saxon, ou bien dans une structure spécialisée en addictologie. Et puis, le diplôme en poche, son objectif devrait être l'école de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), basée à Roubaix.

Depuis qu'il a rencontré ce métier d'éduc', Julien Huet a (au moins) deux passions dans la vie : le rugby qu'il pratique depuis longtemps et ce travail au plus proche des jeunes en grandes difficultés.

 



(1) Pour ses dix ans, l'association organise en novembre une série de débats, entre autres avec Serge Tisseron (programme sur son site internet)

 



Retrouvez nos précédents portraits :

Le 9 octobre : Coralie, passion EJE (lire ici)

Le 16 octobre : Aurélien, un homme dans un "monde de femmes" (lire ici)

 

Prochain portrait le 30 octobre : Emilie, en 3e année d'assistante sociale à l'EPSS de Cergy.

 

 

 

 

Noël Bouttier
Ecrit par
Noël Bouttier