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Paroles d'étudiants (4) : Emilie, l'AS qui voulait changer le monde

Après le portrait de deux éducateurs de jeunes enfants et d'un éducateur spécialisé, nous sommes partis à la rencontre de Emilie Caron-Lambert qui se destine à devenir assistante sociale. Son itinéraire n'est pas commun puisqu'elle a commencé par un BEP sanitaire et social. Pour Emilie, être AS, c'est permettre aux gens de changer un peu leur vie, à défaut de changer le monde.



Le rendez-vous avait été donné à l'hôpital René Dubos, à Pontoise (Val d'Oise) où Emilie Caron-Lambert a commencé depuis peu de temps son long stage de troisième année. Elle a à peine terminé une réunion d'équipe avec les assistantes sociales de l'hôpital qu'elle enchaîne avec tsa. Il faut dire qu'Emilie n'est pas du genre à avoir les deux pieds dans le même sabot. Elle fonce depuis qu'elle sait ce qu'elle veut faire : être assistante sociale.

 

Animatrice, infirmière, EJE ?

Sur le papier, il n'était pas écrit qu'elle devienne AS. Originaire de l'Oise, elle avait suivi un BEP sanitaire et social, puis un bac technologique ST2S (sanitaire et social). "Je ne me serais pas vu suivre des études générales", dit-elle sans plus d'explication. L'été, cette titulaire du Bafa est animatrice, et ce six années consécutives. En faire son métier ? "J'aimais bien ce que je faisais, mais je ne me voyais pas le faire au quotidien. " Infirmière alors ? "Je souhaitais avoir du temps pour m'occuper des gens et ne pas être seulement dans le soin." Pourquoi ne pas s'occuper d'enfants, par exemple comme EJE ? "J'ai réalisé un stage dans une crèche. J'avais le sentiment d'une confusion avec le métier d'auxiliaire de puériculture. Et puis, je craignais d'être lassée par le côté répétitif du métier."

 

Aider les gens à aller mieux

Finalement, c'est une... infirmière qui lui donne la bonne idée en lui parlant du métier d'assistante sociale. Elle a un coup de foudre pour celui-ci. Pourquoi ? C'est toujours compliqué d'expliquer comment naît une passion ; c'est tellement intime. On dira (et elle l'explique dans la vidéo) qu'Emilie ne se satisfait pas de la marche du monde ; qu'elle a envie de mettre la main à la pâte pour le changer. Depuis qu'elle a entrepris sa formation, elle a compris que les assistants de service social ne changent pas le monde avec leurs petits bras et leur énergie. Elle est cependant convaincue que travailler avec et auprès des gens en difficulté peut les aider à aller mieux.

Se préparer à un concours difficile

Reste qu'il a fallu d'abord réussir le concours d'entrée, celui de l'EPSS de Cergy. Et quand on sort d'un bac techno, ce n'est pas si évident. Alors pendant un an, Emilie s'exerce pour le concours d'entrée, en s'inscrivant à la "prépa" d'un lycée de Beauvais où elle s'exerce notamment à faire des résumés. Parallèlement, pour faire bouillir la marmite, elle travaille dans la grande distribution jusqu'au jour où elle démissionne. "Le commerce, plus jamais ! On court toujours", s'exclame-t-elle.

Au concours de l'école de Cergy, elle réussit du premier coup. A l'oral, on lui a demandé de réfléchir au positionnement qu'elle aurait pu avoir face à la situation d'une jeune fille expatriée se retrouvant exploitée par sa famille d'accueil.

Pas fan de la philo

En première année, Emilie reconnait avoir eu du mal à trouver parfois sa place. "Certains cours étaient répétitifs et n'avaient pas forcément leur place", estime-t-elle. Elle cite la philo : "j'avais du mal à faire la connexion entre ces réflexions et les réalités de ce métier". Mais elle a plaisir à écouter les cours dispensés par les intervenants extérieurs et également à découvrir les autres filières. "J'aurais pu être intéressée par le métier d'éducatrice spécialisée, notamment par les activités qui sont conduites", confie-t-elle.

Se confronter à ses peurs

Mais pas question pour Emilie d'abandonner son projet d'être AS ! Surtout que les stages sont très formateurs. Le premier, dit d'observation, se déroule dans une structure d'action éducative en milieu ouvert (AEMO) où elle est plongée dans les réalités du "qui fait quoi?" "C'est très important de bien se situer dans le territoire où on travaille", analyse-t-elle.

Elle enchaine avec un stage dans deux collèges ruraux. L'occasion de se confronter à ses propres peurs. "En entrant en formation, raconte Emilie, je craignais les situations de protection de l'enfance. En fait, j'ai été étonnée de ma capacité à bien réagir. Ce qui ne m'empêche pas de ressentir parfois un petit frisson."

Mener seule un entretien

En seconde année, elle effectue son stage dans un Sessad qui facilite l'intégration dans le système scolaire d'enfants présentant un retard intellectuel. Elle apprécie d'être plongée dans une structure pluridisciplinaire qui associe psy, éduc' spé', psychomotricien, etc. Et pour la première fois, Emilie conduit seule des entretiens, sous le regard de son tuteur de stage. Maintenant la voilà dans le service social de l'hôpital de Pontoise qui emploie une douzaine d'assistants en service social. "Le matin, raconte-t-elle, je passe dans les services faire le tour des patients, pour régler notamment les problèmes de couverture sociale. Et l'après-midi, je m'occupe de malades du VIH, mais également des sorties d'hôpital, notamment pour l'entrée en services de suite."

Des petits riens qui changent tout

Emilie est intarissable sur ce métier qu'elle veut exercer "avec passion". Et quand parfois elle se dit que ce boulot d'AS suppose "beaucoup de sacrifices personnels" et quelques coups de cafard face à un "sentiment d'impuissance", elle pense à ces petits riens qu'elle a pu débloquer dans la vie des autres. C'est peu. C'est déjà énorme.

 



Retrouvez nos précédents portraits :

Le 9 octobre : Coralie, passion EJE (lire ici)

Le 16 octobre : Aurélien, un homme dans un "monde de femmes" (lire ici)

Le 23 octobre, Julien ou la passion pour les jeunes "cabossés" (lire ici)

 

Prochain portrait le 6 novembre : Yoann, éducateur spécialisé en DEIS.

Noël Bouttier
Ecrit par
Noël Bouttier